jeudi 14 juin 2018

INTRÉGRATION PROFESSIONNELLE : QUÉBEC, PAYS D’ÉCUEILS (PARTIE I)




Des professionnels haïtiens qui ont laissé leur terre natale pour des raisons diverses, dont l’instabilité politique et l’insécurité, se trouvent désormais confrontés à de nouveaux défis liés à leur intégration socioprofessionnelle au Québec. Entre la ferme décision de quitter le pays d’origine et la réalité qu’ils vivent au pays d’accueil, la déception est grande. Témoignages et confidences de professionnels, arrivés au Québec pendant les trois dernières années.


Le Québec a développé une tradition d’accueil qui ne se dément pas. Après l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta, il présente l’un des pourcentages de population immigrante les plus élevés au Canada. 

Dans sa politique d’immigration, la Province met en place plusieurs catégories d’immigration, dont le programme des travailleurs qualifiés. Celui-ci établit des critères liés notamment aux compétences professionnelles et au niveau d’éducation des candidats. 

Or, les professionnels haïtiens immigrés dans le cadre de ce programme s`exposent à une double pénalité : la dévalorisation à la fois de leurs formations et de leurs compétences (expériences). Ce qui provoque une dévalorisation de leur statut, aussi bien sur le plan social que professionnel.


Tony Francky peine actuellement à trouver un emploi dans son domaine de compétences et de formation, même après avoir complété une attestation d’étude collégiale (AEC) en gestion comptable et financière et un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en planification territoriale et développement au Collège Ahuntsic et à l’Université du Québec à Montréal respectivement. 

Arrivé au Québec en 2014, il s’est vite inscrit au collège de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, en vue de démarrer trois mois plus tard une formation, et de bénéficier ainsi du programme de prêts et bourses du gouvernement. En poursuivant aujourd’hui sa recherche d’emploi, il se questionne sur les raisons de sa présence dans cette province qui accueille annuellement 50 000 immigrants.


« Contrairement à beaucoup d’autres compatriotes, je n’ai pas laissé Haïti pour des raisons économiques », explique M. Francky, 40 ans, qui percevait un « bon salaire dans l`une des grandes organisations non gouvernementales présentes en Haïti».  

De manière générale, l’immigration haïtienne est motivée par la recherche d’un mieux-être qui engendre souvent la prise de risques pour échapper à la contrainte économique. Ce n’est nullement le cas de ce quadragénaire dont la présence au Québec s’explique par le désir de poursuivre des études universitaires de deuxième cycle, afin d’augmenter sa « valeur marchande » sur le marché du travail.  

C’est ainsi qu’il décide, avec sa femme, de quitter Haïti et de s’installer ici dans le but de continuer ses études et, du coup, de « donner une meilleure éducation » à ses deux fillettes. Il immigre au Québec dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés du gouvernement provincial.


La sélection des travailleurs qualifiés

Le programme des travailleurs qualifiés fait partie de la catégorie d’immigration économique. Celle-ci représente l’une des trois catégories définies dans la politique migratoire du ministère québécois de l’Immigration et des Communautés culturelles. 

Si l’immigrant est appelé à vivre son quotidien et à construire sa propre expérience au-delà des catégories, la façon de vivre cette expérience est toutefois différente. En d’autres termes, le profil socioprofessionnel du nouvel arrivant influence son intégration.


Le ministère de l’Immigration définit le travailleur qualifié « comme un ressortissant étranger âgé d’au moins 18 ans qui vient s’établir au Québec pour occuper un emploi qu’il est vraisemblablement en mesure d’occuper ». Il le sélectionne sur la base de son profil socioprofessionnel répondant « aux besoins du marché du travail ».

 « Plus nous sommes qualifiés, plus nous sommes aptes à être sélectionnés, explique Valery Pierre-André, qui habite à Montréal, où le nombre de personnes nées en Haïti s’élevait à 65 140, selon le recensement de 2011. Mais les caractéristiques les mieux considérées pour être éligibles sont souvent des sources de complication de notre intégration sur le marché du travail ». 

Arrivée elle aussi en 2014, sa présence dans la province francophone est motivée par son désir d’offrir de « meilleures opportunités » à sa fille unique, qui suit actuellement le programme de Design de mode au cégep Marie-Victorin. Cette ancienne professionnelle de la santé indique que « plus on est qualifié, plus on a du mal à s’intégrer professionnellement ».

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