Des professionnels
haïtiens qui ont laissé leur terre natale pour des raisons diverses, dont
l’instabilité politique et l’insécurité, se trouvent désormais confrontés à de
nouveaux défis liés à leur intégration socioprofessionnelle au Québec. Entre la
ferme décision de quitter le pays d’origine et la réalité qu’ils vivent au pays
d’accueil, la déception est grande. Témoignages et confidences de
professionnels, arrivés au Québec pendant les trois dernières années.
Le
Québec a développé une tradition d’accueil qui ne se dément pas. Après l’Ontario, la Colombie-Britannique
et l’Alberta, il
présente l’un des pourcentages de population immigrante les plus élevés au
Canada.
Dans sa politique d’immigration, la Province met en place plusieurs
catégories d’immigration, dont le programme
des travailleurs qualifiés. Celui-ci établit des critères liés notamment aux
compétences professionnelles et au niveau d’éducation des candidats.
Or, les
professionnels haïtiens immigrés dans le cadre de ce programme s`exposent à une
double pénalité : la dévalorisation à la fois de leurs formations et de
leurs compétences (expériences). Ce qui provoque une dévalorisation de leur
statut, aussi bien sur le plan social que professionnel.
Tony
Francky peine actuellement à trouver un emploi dans son domaine de compétences
et de formation, même après avoir complété une attestation d’étude collégiale (AEC)
en gestion comptable et financière et un diplôme d’études supérieures
spécialisées (DESS) en planification territoriale et développement au Collège Ahuntsic et à l’Université du Québec à Montréal respectivement.
Arrivé au Québec en 2014, il s’est vite inscrit au collège de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville,
en vue de démarrer trois mois plus tard une formation, et de bénéficier ainsi du
programme de prêts et bourses du gouvernement. En poursuivant aujourd’hui sa
recherche d’emploi, il se questionne sur les raisons de sa présence dans cette
province qui accueille annuellement 50 000 immigrants.
« Contrairement
à beaucoup d’autres compatriotes, je n’ai pas laissé Haïti pour
des raisons économiques », explique M. Francky, 40 ans, qui percevait un «
bon salaire dans l`une des grandes organisations non gouvernementales présentes
en Haïti».
De manière générale, l’immigration haïtienne est motivée par la recherche
d’un mieux-être qui engendre souvent la prise de risques pour échapper à la
contrainte économique. Ce n’est nullement le cas de ce quadragénaire dont la
présence au Québec s’explique par le désir de poursuivre des études universitaires
de deuxième cycle, afin d’augmenter sa « valeur marchande » sur le marché
du travail.
C’est ainsi qu’il décide, avec sa
femme, de quitter Haïti et de s’installer ici dans le but de continuer ses études
et, du coup, de « donner une meilleure éducation » à ses deux fillettes.
Il immigre au Québec dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés du gouvernement
provincial.
La
sélection des travailleurs qualifiés
Le programme des travailleurs qualifiés fait
partie de la catégorie d’immigration économique. Celle-ci représente l’une des
trois catégories définies dans la politique migratoire du ministère québécois
de l’Immigration et des Communautés culturelles.
Si l’immigrant est appelé à
vivre son quotidien et à construire sa propre expérience au-delà des
catégories, la façon de vivre cette expérience est toutefois différente. En
d’autres termes, le profil socioprofessionnel du nouvel arrivant influence son intégration.
Le ministère de l’Immigration
définit le travailleur qualifié « comme un ressortissant étranger âgé d’au
moins 18 ans qui vient s’établir au Québec pour occuper un emploi qu’il est
vraisemblablement en mesure d’occuper ». Il le sélectionne sur la base de son profil
socioprofessionnel répondant « aux besoins du marché du
travail ».
« Plus
nous sommes qualifiés, plus nous sommes aptes à être sélectionnés, explique Valery
Pierre-André, qui habite à Montréal, où le nombre de
personnes nées en Haïti s’élevait à 65 140, selon le recensement de 2011. Mais les
caractéristiques les mieux considérées pour être éligibles sont souvent des sources
de complication de notre intégration sur le marché du travail ».
Arrivée elle aussi en 2014, sa présence dans la
province francophone est motivée par son désir d’offrir de « meilleures opportunités »
à sa fille unique, qui suit actuellement le programme de Design de mode au cégep
Marie-Victorin.
Cette ancienne professionnelle de la santé indique que « plus on est
qualifié, plus on a du mal à s’intégrer professionnellement ».
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